mercredi 13 avril 2011

Le 14 janvier 2011, 3 mois après…the song remains the same

Tout d’abord, je tiens à me confesser. Moi qui ai appris, durant mes 27 ans d’existence, à ne jamais m’intéresser à la politique, à considérer la politique comme un tabou ou un pêché, ne comprends toujours rien en politique, même après le 14 Janvier 2011.

Le 14 Janvier 2011 est une date qui restera à jamais gravée dans la mémoire du peuple tunisien. C’est le jour qui a marqué le monde arabe. Et depuis, les peuples arabes ont décidé de faire tomber la dictature de leurs présidents. Mais n'oublie pas que la révolution tunisienne a commencé bien avant le 14 Janvier, avec des cyber-activités pour dénoncer la dictature et la censure pour arriver au 17 Décembre 2010 à Sidi Bouzid, date de la première étincelle de la révolution suite à l’immolation de Mohamed Bouazizi.

Grâce à son peuple, la Tunisie a retrouvé sa liberté, sa dignité, ses droits, plein de choses (vous connaissez surement la liste des choses retrouvées). On a tout retrouvé depuis cette date, tout sauf le téléphone portable de l’ancien ministre Farhat Rajhi (si Derrick était encore en vie il aurait surement retrouvé le voleur).
Je suppose que plusieurs personnes qui y ont participé ont sorti leurs voitures de leurs garages, ils sont allés à Tunis, ils ont bien garé leurs voitures, ils ont crié des slogans devant le ministère puis ils sont repartis chez eux, avant même l’intervention des forces de l’ordre, dans leurs voitures qu’ils ont remises à leurs garages. Leurs discussions à cette époque se résumait à des phrases du genre « Ah wé j’ai participé à la manif » « Mes amis et moi n’avions pas cessé de crier Dégage » voire même « c’est grâce à notre manif que nous sommes libres »….

Sinon y’a ceux, surtout en dehors du Grand Tunis, à Kessrine par exemple, qui ont commencé les manifestations depuis l’immolation de Bouazizi et qui ont reçu avec joie les balles des policiers.

J’ai vu plusieurs photos du 14 Janvier, celles publiées par les médias et les photos personnelles de certains amis sur Facebook ou sur des blogs, et j’ai constaté qu’il y a eu deux types de photos pour un même peuple et pour le même évènement, des photos de gens qui défient les forces de l’ordres de l’ancien régime et des photos de gens qui sont allés passer du bon temps, bien lookés, bien maquillés même et qui ont pris des photos pour mémoriser ces instants de "révolte", des photos qui me rappellent les tapis rouges des événements hollywoodiens. Pour info, je ne juge pas, je pose juste des questions...

Puis c’est le désordre total, de milices de l’ancien régime qui sèment la terreur dans les rues, des grèves et des sit-in à longueur de semaine, économie nationale et tourisme menacés, valeurs boursières en chute libre, des usines qui ferment, des milliers d’immigrants clandestins en Italie, et la touche finale des rues sales et puantes.

Par contre les médias nationaux, en particulier la télévision, on ôté le masque mauve puisqu’ils ont retrouvé leurs libertés d’expression. Et résultat, chacun insulte et lynche les autres, tout dépend des intérêts bien sûr (par exemple ce qu’a fait Nessma pour nuire à Gannouchi).

Mais malgré qu’ils aient, normalement, ôté le masque mauve, ils continuent à nous prendre pour des attardés ou des cons. On nous montre la vidéo de l’argent et des bijoux retrouvés au palais présidentiel de Sidi Bou Said. Cette vidéo laisse plusieurs questions sans réponses. Puis, ils ont commencé à nous présenter un feuilleton policier qu’on devrait appeler « Bil amni wal amén m3a al chorta ». La super police a arrêté des voleurs, des bandits, des vendeurs de drogues, des vendre d’alcool clandestins. Nulle ne peut fuir à notre police.

Mais nos chères chaînes de télé semblent avoir oublié que la génération Facebook a grandi avec les séries policières comme l'inspecteur Gadget ou le détective Conan, puis ça a continué avec les inspecteurs Derrick et Columbo. Et puis, l’obsession par les séries américaines, CSI Miami, CSI NY, CSI, Numbers, Criminal Minds, et même Dexter, y’en a pour tous les goûts, donc chère chaînes de télé tunisiennes arrêtez de nous prendre pour des dupes. Même des amateurs peuvent réaliser des vidéos sur le travail des policiers plus crédibles que les leurs.

Peu être je suis trop pessimiste mais je suis inquiète et anxieuse pour notre Tunisie. Les pauvres et démunis sont toujours pauvres et démunis. L’économie du pays va mal. On ne se sent plus en sécurité dans les rues et surtout la nuit. Les islamistes préparent leur come back après 23 ans d’exil. Il y a toujours des politiciens qui veulent leurs parts du gâteau. Un photographe, Abdallah Ben Saïd, connu pour ses reportages sur la révolution tunisienne avant et après le 14 janvier, a été arrêté le 8 avril. Sa famille est sans nouvelles depuis, et ne sait même pas où est-ce qu'il est détenu. On entend encore parler de certains événements via les réseaux sociaux comme pour Djerba et Metlaoui mais c’est le black out total dans les médias.

Je sens toujours la manipulation et le mensonge. Mais qui nous manipule ? Pourquoi ? Avec qui ? Qui croire ? Tant de questions... Avant, on savait qu’on était manipulé et on savait qui nous manipulait mais on a appris à vivre avec. Maintenant, on est si aveuglé par la liberté qu’on n’arrive pas à voir la réalité qui saute aux yeux.
Nous, qui avons vécu des années sous la dictature, avions rêvé du jour où nous pourront discuter de politique librement. Maintenant, on en parle partout, dans les cafés, dans les lieux de travail, dans les moyens de transports, chez le coiffeur/euse, et même dans les hammams. Mais le problème, c’est qu’on parle de politique et de l’avenir du pays comme on parle de légumes ou d’un feuilleton turc.
Nous, qui avons vécu des années sous la dictature, sommes assoiffés pour la liberté d’expression. Mais de mon côté, je n’arrive toujours à m’exprimer librement et je continue à m’auto-censurer. Et je suis sûre que si je m’exprime ouvertement à propos de choses que je vois ou des situations que je rencontre, il y aura des conséquences déplaisantes. Et je suis persuadée que je ne suis pas la seule.

Zaba est peu être parti, son RCD est peu être dissout mais les racines de l’ancien régime sont toujours là. Les pratiques et les habitudes apprises à cette époque y sont encore. Moi, je vois le fantôme mauve rôder dans les rue vides de la Tunisie et ce qui m’inquiète le plus c’est l’aveuglement de mon peuple.

You can't trust freedom when it's not in your hands when everybody's fightin' or their promised land



P.S: Cet article n’a pas été rédigé pour vous demander de vous réveillez ou de faire attention.




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